Actus du Cnajep

TRIBUNE « Pourquoi il faut investir dans l’Éducation Populaire »

10 Juin 2025 Par
TRIBUNE « Pourquoi il faut investir dans l’Éducation Populaire »

Le Cnajep aux côtés d’autres organisations de la société civile est signataire de cette tribune pour tirer la sonnette d’alarme et rappeler avec force que l’Éducation Populaire n’est pas une dépense accessoire, mais un pilier essentiel de la cohésion sociale, de la vitalité démocratique et de l’attractivité des territoires.

Publiée le 7 juin dans Ouest-France


« Dans un contexte national et international fragilisé par des tensions croissantes, le gouvernement annonce 40 milliards d’euros d’économies dans le projet de loi de finances 2026. Réduire encore les moyens alloués au secteur associatif — et tout particulièrement aux structures d’Éducation Populaire, déjà éprouvées par le budget 2025 — risque de transformer ces tensions en fractures irréversibles.

L’Éducation Populaire n’est pas un poste de confort que l’on peut rogner à loisir ; c’est l’ossature invisible qui permet à une République de tenir debout. Chaque jour, nos associations ouvrent des bibliothèques de rue, des écoles de musique et des centres sociaux, des lieux pour l’habitat des jeunes, restaurent le patrimoine, révèlent des talents artistiques, etc. C’est là que se tissent les premiers engagements citoyens et que se réapprend la confiance dans la parole de l’autre. Plusieurs évaluations montrent qu’un euro investi dans ces structures génère bien plus qu’un euro d’utilité sociale : il réduit les coûts liés au décrochage scolaire, à la santé mentale, à l’isolement et même à la prévention des violences.

L’Éducation Populaire est la mise en acte, au coin de la rue, des idéaux républicains que l’on dit menacés. Nos actions forment des citoyens capables de nuance, de contradiction loyale et de coopération — l’antidote le plus sûr contre la tentation autoritaire. Là où l’Éducation Populaire recule, la résignation avance ; c’est un fait que les urnes ne cessent de confirmer.

Sur le seul plan économique, ce secteur pèse déjà plus de 466 000 emplois – des postes qualifiés, pérennes (63 % sont en CDI), impossibles à digitaliser ou à délocaliser. À titre comparatif, l’éducation populaire représente 4 fois l’industrie chimique et 2 fois plus d’emplois que le secteur agricole. La puissance économique de l’Éducation populaire se caractérise surtout par son effet papillon : chaque crèche ouverte, chaque accueil périscolaire assuré rend possible l’engagement professionnel de milliers de parents ; chaque maison de quartier fait tourner les commerces voisins, sollicite les artisans locaux et consolide l’attractivité d’un territoire.

Au-delà de ses conséquences tangibles, l’Éducation Populaire génère un capital immatériel précieux : lien social, culture commune, transmission de savoirs, innovation et sentiment d’appartenance. Ce « bien commun » valorise nos territoires et les rend attractifs. Loin d’être une charge budgétaire, elle est un maillon essentiel de notre écosystème économique. Réduire son financement, c’est fragiliser simultanément l’emploi, la croissance locale et le pacte social – un prix supérieur aux économies envisagées.

Cessons donc d’en faire la variable d’ajustement des choix budgétaires ; traitons-la pour ce qu’elle est : un investissement stratégique pour le pays. Nous appelons l’État et les collectivités à engager sans délai la conférence des financeurs et à la doter de moyens à la hauteur de l’enjeu : un financement pluriannuel, lisible et ambitieux, qui reconnaisse la valeur créée, tant démocratique qu’économique, par nos milliers de structures ancrées dans les territoires.

Car face aux transitions écologique, numérique ou démographique, face à l’inflation, à la guerre aux portes de l’Europe et au désenchantement démocratique, amputer l’Éducation Populaire revient à affaiblir la capacité du pays à encaisser les chocs. »

Signataires :

Didier JACQUEMAIN, président d’Hexopée ; David CLUZEAU, délégué général d’Hexopée ; Claire THOURY, présidente du Mouvement Associatif ; Jean-Baptiste CLÉRICO, Arnaud TIERCELIN et Sarah BICHE, co-présidents du CNAJEP ; Marie-Claire MARTEL, présidente de la COFAC ; Michelle DEMESSINE, présidente de l’UNAT ; Patrick CHENU, représentant du collège associatif du Fonjep ; Benoît HAMON, président d’ESS France

Lien vers la tribune sur Ouest-France