Retour sur une semaine de mobilité en Belgique : résister aux idées des extrêmes droites

En avril 2025, le réseau du Cnajep a suivi une semaine de formation aux côtés d’actrices et acteurs belges engagés dans la lutte contre l’extrême droite et les idées liberticides.

Du 8 au 11 avril 2025, nous avons eu l’opportunité de participer à une semaine de formation à Bruxelles et Liège, articulée autour de la lutte contre les idées d’extrême droite, l’éducation populaire, la mémoire collective et la défense des valeurs démocratiques. Une immersion stimulante et formatrice, accueillis par les Céméa Belges.

Lancement de la semaine et premières rencontres

Cette première journée a été marquée par un temps d’accueil, d’échange et de présentation en binômes. L’occasion également de poser les bases des enjeux de la semaine, en revenant sur l’origine du chantier « Lutter contre les idées des extrêmes droites », initié par le Cnajep en 2021, qui anime un espace ressources en ligne dédié.

Les dispositifs belges qui font barrage aux idées des extrêmes droites

• Une responsabilité sociale et démocratique des médias

La journée a débuté par une visite de la RTBF, pilier de l’audiovisuel public belge. L’échange a permis de revenir sur la mise en place historique du « cordon sanitaire médiatique » qui engage désormais la « responsabilité sociale et démocratique médiatique ». . Mis en place dans les années 1980, ce cordon repose sur une exigence déontologique claire : ne pas offrir une tribune médiatique à des partis ou individus liberticides, c’est-à-dire portant atteinte aux principes démocratiques et aux droits fondamentaux.

Soutenu juridiquement par la Convention européenne des droits de l’Homm (CEDH), notamment son article 17, ce choix éditorial a été consolidé par plusieurs victoires juridiques de la RTBF, notamment face au Front nouveau de Belgique.

Article 17 – Interdiction de l’abus de droit : « Aucune des dispositions de la présente Convention ne peut être interprétée comme impliquant pour un État, un groupe ou un individu un droit quelconque de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte visant à la destruction des droits ou libertés reconnus dans la présente Convention ou à des limitations plus amples de ces droits et libertés que celles prévues à ladite Convention. »

• Un cordon sanitaire politique en Belgique wallonne

L’après-midi, nous avons bénéficié d’une analyse rigoureuse du cordon sanitaire politique, en compagnie du chercheur Benjamin Biard, spécialiste de l’extrême droite en Belgique pour le Centre de Recherche et d’Information Socio-Politiques (CRISP). Nous avons été accueilli·e·s au Centre d’Action Laïque belge.

Il a posé les bases d’un cadre idéologique structurant pour penser les courants d’extrême droite : société inégalitaire, nationalisme homogénéisant, programme d’action radical.

Les discussions ont aussi permis de :

• Comprendre les différences entre Flandre et Wallonie sur la place de l’extrême droite.
• Mesurer l’impact et les limites du cordon sanitaire politique mis en place depuis les années 1990.
• Revenir sur les dynamiques de dédiabolisation, de banalisation et de montée des idées d’extrême droite en Europe.

Liège : mobilisations associatives et travail de mémoire

La journée a été marquée par des rencontres à Liège avec des acteurs associatifs engagés dans la lutte contre les dominations et la défense de la démocratie.

À l’espace Barricade, nous avons découvert des initiatives mêlant éducation populaire, outils pédagogiques (comme le jeu « Clair-obscur ») et événements socio-culturels.

Le Mouvement Peuple et Culture a présenté ses actions autour de la démocratie, du complotisme et de la mémoire collective, soulignant l’importance de la coordination entre acteurs engagés.

L’après-midi, la visite de l’exposition « Plus jamais ça ! » de Territoires de la mémoire a offert une plongée immersive dans l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, retraçant les mécanismes ayant mené à la montée du nazisme. Une réflexion centrale a émergé : comment une telle barbarie a-t-elle été rendue possible ?

Analyse politique et économique du fascisme

Deux interventions ont structuré cette journée. Le politologue Christian Laval a analysé les liens entre néolibéralisme et résurgence fasciste, en montrant comment la logique concurrentielle du marché alimente des dynamiques autoritaires et anti-démocratiques, notamment dans l’éducation, comme étayé dans son ouvrage « Education démocratique ».

La deuxième intervention, menée par Ivo Flechet du Parti du Travail Belge, a mis en lumière les spécificités du contexte politique belge, notamment la menace croissante représentée par le Vlaams Belang, parti d’extrême droite en tête des intentions de vote. Il a exposé les stratégies du PTB pour contrer cette dérive, notamment à travers la coalition autour du 8 mai comme journée de résistance antifasciste, le travail de mémoire et la défense des plus vulnérables.

Nous avons bénéficié lors de cette journée, d’une facilitation graphique proposée par Alain des Céméa Belgique.

Bilan et perspectives

Cette semaine de mobilisation et de formation à Bruxelles autour de la lutte contre les idées d’extrême droite a été riche en apprentissages, en échanges et en prises de conscience. Elle a permis de penser collectivement une réponse politique, juridique et culturelle, en s’appuyant sur des outils concrets, des expériences partagées et des pratiques émancipatrices.

À travers la diversité des rencontres, la mobilisation a offert un espace de réflexion critique sur nos postures professionnelles et militantes.

Elle a également rappelé l’urgence d’une structuration collective et d’une solidarité à l’échelle européenne. En ramenant ces questionnements et ces outils dans nos structures, nous poursuivons un travail de fond, pour faire de nos actions d’éducation populaire des lieux de résistance, d’imagination et de construction démocratique.

Un espace en ligne dédié

En tant que laboratoire d’idées et observatoire de pratiques, le Cnajep a lancé en 2022 un chantier qui doit permettre de mieux comprendre et analyser ensemble les ressorts de la prolifération des idées des extrêmes droites dans nos sociétés et la progression de ce vote extrémiste, afin de mieux agir.

Un outil pour lutter contre les idées des extrêmes droites

Le Cnajep a produit un outil de travail, résultant des travaux menés par le Cnajep au cours du chantier Lutte contre les idées des extrêmes droites, qui a débuté en 2022 et dont les actions et réflexions se poursuivent.